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Expertise et maîtrise d’œuvre

Revue Experts numéro 55 | Paru le : 06.01.2010

C’est un sujet récurrent mais il est nécessaire de rappeler que l’expert ne doit en aucune façon transformer sa mission d’expert judiciaire en celle de maître d’œuvre. Le cas d’espèce : en raison d’infiltrations dans une salle de bains (X), M. B., désigné comme expert par ordonnance de référé, établit un rapport dans lequel : « Il détermine les causes des désordres, insuffisance d’étanchéité de la salle de bains (Y), située dans l’appartement du dessus, connexion éventuellement fuyarde des canalisations d’arrivée et d’évacuation d’eau, il détermine sur présentation de devis, les réparations et leur montant à opérer dans la salle de bains sinistrée (X).» En ouverture de rapport, le tribunal condamne M. et Mme Y à réparer le montant des désordres causés chez M. et Mme X et « condamne M. et Mme Y à faire réaliser les travaux d’étanchéité de sa salle de bains, tels que décrits par M. B., expert, dans son rapport d’expertise, sous le contrôle de ce dernier, dont les honoraires seront à la charge de M. et Mme Y ». Telle quelle, cette décision n’est pas acceptable pour l’expert. - En déposant son rapport d’expertise, il est dessaisi de sa mission. Cette forme de « contrôle de bonne fin » n’est donc plus dans la mission. - Le tribunal ne fixe pas une nouvelle mission d’expertise. - Les honoraires de l’expert à charge de M. et Mme Y laisseraient supposer que M. B. doit se transformer en maître d’œuvre de M. et MmeY , ce qu’il ne peut pas accepter en même temps pour des raisons de responsabilité et d’éthique. Manifestement, en raisonnant de façon trop elliptique, le tribunal a commis une maladresse dans le dispositif de son jugement. On comprend bien le désir des tribunaux de parvenir rapidement à une solution définitive d’un problème posé, (et en l’espèce agaçant tel que les infiltrations provenant de la salle de bains du dessus, demande manifestement formée par l’un des avocats des parties), mais il faut rappeler aux tribunaux que l’expert ne peut en aucune façon être maître d’œuvre. Il faut aussi rappeler que dessaisi de sa mission, l’expert n’a pu intervenir et que si le tribunal veut le désigner pour une nouvelle mission, il doit le faire expressément dans le dispositif de son jugement mais dans ce cas, encore, l’expert ne sera pas maître d’œuvre mais aura simplement pour mission de contrôler les travaux proposés par le maître d’œuvre de la partie et dire, selon son appréciation d’expert, si ces travaux ont son agrément. Dans le cas d’espèce, l’expert n’a pas accepté le rôle maladroitement confié par le dispositif du jugement et il a parfaitement raison. Il faut mettre en garde tous les experts d’accepter, sous une forme éventuellement maladroite, une mission de maîtrise d’œuvre qui d’abord n’est pas dans l’éthique de la mission de l’expert, et ensuite, pourrait mettre en cause une responsabilité pour laquelle ils ne sont pas assurés. L’expert retrouve son statut libéral et ne peut à ce titre se voir imposer un client non désiré ni bénéficier des protections résultant du décret du 20-7-1989.

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