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Extrait d'article de la Revue n° 167

La morpho-analyse des traces de morsures

La morpho-analyse des traces de morsures repose sur l’observation de l’ensemble des traces laissées sur une victime décédée ou vivante pour déterminer s’il s’agit de traces de morsures animales ou humaines perpétrées par un enfant ou un adulte. L’étude approfondie dénombre les morsures, indique si les morsures ont été commises simultanément ou à des moments différents, détermine la position de l’agresseur par rapport à sa victime, précise la violence impliquée et discrimine les morsures des autres lésions visibles (traces de fer à repasser, liens, fouet…).

1. UNE MORSURE… DES DENTS ET LA PEAU
La morsure
La morsure est la résultante de la relation particulière et inhabituelle qui existe à un instant donné entre un tissu dur, la dent, et un tissu mou, la peau, le premier laissant une trace dans le second. La morsure est perpétrée par l’action mécanique des dents accompagnée ou non d’une pression de la langue ou des lèvres. Elle engendre une altération physique d’un tissu qui se traduit par un dessin dont les contours varient principalement en fonction de la force exercée sur le tissu du site mordu, des mouvements mandibulaires de l’agresseur et des mouvements de débattement de la victime.

Le tissu dur : la dent
Chaque groupe de dents présente une anatomie particulière. Les incisives montrent un bord libre de forme rectangulaire aux dimensions plus ou moins importantes (incisives maxillaires ou mandibulaires). La pointe canine est triangulée et les prémolaires présentent des cuspides vestibulaires et palatines.

Le tissu mou : la peau
La peau peut subir des traumatismes plus ou moins importants, étendus et multiples sous l’action des incisives, des canines et des prémolaires des deux arcades dentaires. Les ecchymoses qui en résultent reproduisent les contours des dents qui restent visibles et analysables quelque temps, au point de permettre dans certains cas l’identification d’un agresseur. Des morsures plus agressives engendrent des plaies qui rompent la continuité des tissus peauciers avec le plus souvent une perte de substance liée à une lacération. Certaines d’entre elles sont encore visibles alors que la cicatrisation, processus biologique réparateur,est engagée.

 

Extrait d'article de la Revue n° 164

La foi du Palais : un usage à valeur d’exemplarité sociétale ?

Il était une fois le Palais.
Il s’agissait du lieu où la Justice était rendue en « ses temples », empreint d’une relation historique entre le sacré et le droit.
Dans les salles d’audience chargées d’allégories ou dans de longs couloirs, des femmes et des hommes vêtus de robes noires portaient le lourd fardeau du châtiment et de l’espoir, mais aussi celui du secret.
Au Palais de Justice de Paris, vers 13 heures, au rythme des pas perdus et de mots dénués de tous effets de manches, la statue de Berryer recueillait les confidences d’avocats échangées en dehors du prétoire.
Dans un espace placé sous le signe de la confraternité et de la confiance, les contradicteurs les plus acharnés renouaient lors d’un instant de trêve avec les vertus d’un dialogue propice aux intérêts de leurs clients, sous la « foi du Palais », hors la présence de ceux-ci. De nos jours Berryer n’est plus le témoin de tels échanges, dans un Palais de Justice de l’île de la Cité moins fréquenté.
La communication électronique transforme les relations entre « partenaires de Justice » et souvent des « palais » de verre ou de béton se fondent au coeur de cités administratives entre un centre de sécurité sociale et un hôtel des impôts, sans égard à une hiérarchie de valeurs.
Dans ce nouveau contexte, une « foi du Palais » trouve-t-elle encore
sa place ? S’agit-il d’un usage voué à la désuétude ou à l’inverse doté d’une vertu sociétale qu’il importe de préserver ou d’étendre
par voie d’exemplarité ? Entre Justice d’antan et Justice de demain, tenter de répondre à cette question suppose de circonscrire le cadre de l’exercice de cette notion à l’apparence mystérieuse…

1. LA FOI DU PALAIS : UN USAGE DU PALAIS ?

Dans un récent ouvrage consacré au « droit des usages », un spécialiste définit les usages comme « des comportements qui, en raison de certaines de leurs qualités objectives et subjectives, bénéficient d’une force normative ». Tel semble bien être le cas de cette « foi du Palais » aux contours certes reconnaissables, mais pourtant réfractaire à une définition précise. Pour tenter de la définir, alors que peu d’auteurs s’y sont employés, le grand déontologue de la profession d’avocat que fut le bâtonnier Henri Ader écrivait : « La foi du Palais concerne non pas directement le secret professionnel, mais les relations entre avocats et celles entre magistrats et avocats ». Plus récemment, dans un livre d’un aspect nettement différent évoquant la démarche d’un avocat auprès d’un juge d’instruction qui aurait été couverte par « la foi du Palais », un auteur, magistrat

“Dans un espace placé sous le signe de la confraternité et de la confiance, les contradicteurs les plus acharnés renouaient dans un instant de trêve avec les vertus d’un dialogue propice aux intérêts de leurs clients, sous la « foi du Palais »..”

 

Extrait d'article de la Revue n° 163

Cartographie des risques naturels (feux de forêt,
mouvements de terrain, inondations, etc.) – Recours et expertises

1. LES PLANS DE PRÉVENTION DES RISQUES NATURELS

Le plan de prévention des risques naturels (PPRN) a été créé par la loi du 2 février 1995 (articles L 562-1 à L 562-9), et succède aux plans d’exposition aux risques de la loi du 13 juillet 1982. Il vise à réduire la vulnérabilité des personnes et des biens sur un territoire délimité par l’État. Sa réalisation doit être achevée dans un délai de trois ans à compter de la date de prescription. Ce délai peut être prorogé une seule fois de 18 mois. Le PPRN peut être modifié ou révisé. Le PPRN vaut servitude d'utilité publique, pouvant aboutir à des sanctions pénales en cas de non-respect de ses prescriptions et il génère des conséquences en matière d'indemnisations pour catastrophe naturelle. Le PPRN constitue ainsi un document d’urbanisme annexé aux autres documents (PLU ou carte communale), sur lesquels il l’emporte.

Le dossier du PPRN contient une note de présentation relatant le contexte qui a conduit à le prescrire et la procédure qui a été menée ainsi qu'une ou plusieurs cartes de zonage réglementaire délimitant les zones où un règlement spécifique s’applique.
Le dossier est approuvé par un arrêté préfectoral au terme d'une procédure comprenant l'arrêté de prescription sur la ou les communes concernées, la réalisation d'études visant à recenser les phénomènes passés, à qualifier l'aléa et à définir les enjeux du territoire en concertation avec les collectivités concernées, et enfin une phase de consultation obligatoire (conseils municipaux, personnes publiques associées et enquête publique).
Le PPRN, lorsqu’il est multirisque, permet de prendre en compte l'ensemble des risques et leurs interactions possibles sur une zone donnée, dont les inondations, les séismes, les mouvements de terrain, les feux de forêt, les avalanches, etc.

Le PPRN peut aussi ne concerner qu’une seule catégorie de risque. Il relève de la responsabilité de l'Étatconcernant la maîtrise des constructions dans les zones exposées à un ou plusieurs risques, mais aussi dans celles qui ne sont pas directement exposées mais où des aménagements pourraient aggraver les risques. Le champ d'application du règlement couvre les projets nouveaux et les biens existants. Le PPRN peut également définir et rendre obligatoires des mesures générales de prévention, de protection et de sauvegarde.

 

Extrait d'article de la Revue n° 162

L’expertise judiciaire pénale
accède à la dématérialisation

La justice pénale s’était dotée depuis plusieurs années d’un logiciel, PLEX, permettant des transmissions de documents dématérialisés, mais il était jusqu’à une date récente réservé aux échanges entre avocats et juridictions. Cet outil s’est depuis le 19 avril dernier ouvert aux experts et permet la communication avec les magistrats ordonnateurs. Une convention PLEX a été signée le 25 mars entre le ministère de la Justice et le Conseil national des compagnies d’experts de justice.


Depuis maintenant plusieurs années, les échanges de documents nécessaires à la bonne conduite des procédures d’expertises peuvent être dématérialisés en matière civile. Le logiciel OPALEXE, validé par le ministère de la Justice, permet en effet de transmettre des documents accessibles à l’ensemble des parties tout en respectant les prérequis des articles 748-1 et suivants du Code de procédure civile.

La justice pénale s’était dotée depuis plusieurs années également d’un logiciel, PLEX, permettant des transmissions de documents dématérialisés, mais il était jusqu’à une date récente réservé aux échanges entre avocats et juridictions. Au début de l’année 2022, la Chancellerie et le Conseil national des barreaux ont ainsi pu fêter le million de transferts effectués. Cet outil s’est depuis le 19 avril dernier ouvert aux experts et permet dorénavant la communication avec les magistrats ordonnateurs.
Il autorise par une connexion sécurisée au site PLEX le transfert de gros fichiers (jusqu’à deux Go) qui sont déposés dans un espace temporaire. Les personnes (experts, magistrats) dont les adresses de courriel sont définies dans le transfert sont averties et elles peuvent les télécharger durant un délai fixé par l’émetteur, délai au-delà duquel ils ne sont plus accessibles. Les documents échangés – impérativement à terme au format PDF A-3 – doivent de plus être signés électroniquement au moyen d’un certificat électronique conforme aux normes ,EIDAS ou RGS***, qui correspondent aux normes de sécurité exigées par le ministère. Il est nécessaire d’avoir une adresse de courriel valide dans l’annuaire PLEX pour émettre ou recevoir un document.

Le processus qui a abouti à la signature le 25 mars dernier de la convention PLEX entre le ministère de la Justice, représenté par sa secrétaire générale Catherine Pignon, et le Conseil national des compagnies d’experts de justice, représenté par sa présidente Annie Verrier, est le résultat d’une réflexion entamée à l’été 2021 par le ministère, qui nous a sollicités pour une première expérimentation pilote du logiciel dans l’espace procédural de l’expertise pénale et ses caractéristiques :
• l’expert ne communique qu’avec son mandant, pas avec les avocats ;
• en matière pénale plus encore que dans d’autres domaines, la sécurité des documents échangés est primordiale.

 

Extrait d'article de la Revue n° 161

L’expert entrepreneur individuel et la protection de son patrimoine

Bruno Duponchelle, Président d’honneur de la Compagnie nationale des experts-comptables de justice, nous parle du statut d'entrepreneur en tant qu'expert

La loi n° 2022-172 du 14 février 2022 en faveur de l’activité professionnelle indépendante protège le patrimoine privé de l’entrepreneur individuel. Ce nouveau statut de l’entrepreneur individuel fait suite à l’EIRL (entrepreneur individuel à responsabilité limitée). Ce statut n’exonère pas l’expert de sa responsabilité civile, ni de sa responsabilité pénale, ni de sa responsabilité disciplinaire.

La loi n° 2022-172 du 14 février 2022 en faveur de l’activité professionnelle indépendante a abrogé l’article L.526- 5-1 du code de commerce qui permettait à un entrepreneur individuel de choisir le régime de l’entrepreneur individuel à responsabilité limitée (EIRL). Toutefois, les entrepreneurs qui avaient opté pour ce régime continueront d’en bénéficier et devront respecter les contraintes associées à cette option.


La protection du patrimoine

Pour ceux qui en bénéficient, le statut d’EIRL assure une protection du patrimoine de l’entrepreneur individuel puisque seuls les biens affectés à l’activité professionnelle garantissent les créanciers (code de commerce, art. L.526-22).
Un autre texte avait été voté dans le même but : la loi sur l’initiative économique du 1er août 2003 avait limité le principe de confusion des patrimoines en permettant à un entrepreneur individuel de faire déclarer insaisissable sa résidence principale : cette insaisissabilité a été étendue en 2008 à tous ses biens immobiliers bâtis ou non bâtis et non affectés à un usage professionnel (loi n° 2008-776 du 4 août 2008, article 14). La déclaration d’insaisissabilité doit être faite devant notaire pour être opposable aux créanciers (code de commerce, art. L.526-1, alinéa 2 actuel et L.526-2).

La loi n° 2015-990 du 6 août 2015, article 206, est allée plus loin puisque les droits d’un entrepreneur sur l’immeuble où est fixée sa résidence principale sont de droit insaisissables par les créanciers dont les droits naissent à l’occasion de l’activité professionnelle de l’intéressé (code de commerce, art. L.526-1, alinéa 1).

La loi « entrepreneurs » n° 2022-172 du 14 février 2022 sépare désormais le patrimoine privé de l’entrepreneur individuel en sorte que seul son patrimoine professionnel, constitué des biens, droits, obligations et sûretés utiles à son activité indépendante, constitue l’unique garantie de ses créanciers professionnels (art. L.526-22, alinéa 3).

 

Extrait d'article de la Revue n° 160

Entrée en vigueur de la Réglementation Environnement 2020 : quelles conséquences
pour les experts en thermique ?

David Brutin, Professeur des Universités en « Thermique et Énergétique » à l’Université d’Aix-Marseille, Expert près la cour d’appel d’Aix-en-Provence et près la cour administrative d’appel de Marseille, nous présente l'impact de la Réglementation Environnement 2020 pour les experts en thermique.

Le décret RE 2020 n°2021-1004 du 29 juillet 2021 et l’arrêté RE 2020 du 4 août 2021 sont relatifs aux exigences de performance énergétique et environnementale des constructions de bâtiments en France métropolitaine. L’arrêté RE 2020 traite également des changements apportés à la méthode de calcul prévue à l’article R.172-6 du Code de la construction et de l’habitation. Ces nouvelles règles, applicables à tous les acteurs de la construction neuve, font passer de 3 à 6 le nombre d’exigences de résultats sur la performance énergétique et environnementale. Quelles sont les conséquences pour les experts de justice en thermique ?

 

1. HISTORIQUE DES RÉGLEMENTATIONS THERMIQUES

La première réglementation thermique (RT 1974) a été mise en place à la suite du choc pétrolier de 1973. À l’époque, la France est dépendante du pétrole comme source d’énergie pour le chauffage des logements et les premières centrales nucléaires ne sont pas encore mises en service. Il faudra attendre 1976 pour l’ouverture des premières tranches. Comme le montre l’illustration page suivante, le nombre de réacteurs  en 1980 n’est que de 14 ; 40 ans plus tard, en 2020, on dénombre un total de 56 réacteurs en service. Le parc nucléaire français s’est développé par vagues successives ; pour limiter les dépenses énergétiques des Français, le législateur a fait évoluer la réglementation thermique pour forcer progressivement à plus de sobriété dans le parc de logements neufs qui s’est construit très rapidement. Dans ces logements, le chauffage par radiateurs/ convecteurs électriques est promu et subventionné par EDF, mais la sobriété énergétique, elle, coûte cher en termes de matériaux d’isolation et ne se met donc pas en place spontanément. Ainsi, le législateur est là pour imposer des indicateurs de performance à respecter afin de ne plus reproduire la construction des passoires thermiques1 qui étaient classiquement bâties avant 1974 et la première réglementation thermique.

 

Extrait d'article de la Revue n° 160

FINDEX II : un nouveau projet européen, vers la convergence des listes d’experts

Béatrice Deshayes, Avocate et Ancienne co-présidente de l’Institut Européen de l’Expertise et de l’Expert nous présente le projet FINDEX II dans cet article.

 

L’Institut Européen de l’Expertise et de l’Expert s’est associé avec EuroExpert, fédération d’associations d’experts de plusieurs pays de l’Europe, pour réaliser de mars 2022 à février 2024 le projet FINDEX II. Ce projet a notamment pour objectifs : la définition de critères minimaux pour qu’une personne puisse être qualifiée d’ « expert judiciaire » ; l’établissement d’une liste de règles à respecter par les organismes chargés de la tenue des listes d’experts ; ou encore la rédaction d’une feuille de route pour la création d’un annuaire européen.

Comme l’a rappelé Věra Jourová, vice-présidente de la Commission européenne chargée des valeurs et de la transparence : « Une frontière n’arrêtera ni la criminalité, ni la justice. (…) Nous devons tirer le meilleur parti des technologies numériques pour donner aux autorités judiciaires, aux citoyens et aux entreprises les moyens d’échanger des informations de manière sécurisée et rapide. Il s’agit là d’un élément clé pour accélérer et faciliter l’accès à la justice. » C’est dans ce contexte qu’au printemps 2021, l’Institut Européen de l’Expertise et de l’Expert (EEEI) a répondu à un appel à propositions de la Commission européenne (DG Justice) destiné à promouvoir les projets qui font avancer la digitalisation de certains aspects de la justice (« e-justice »). Pour l’EEEI, cela faisait suite à un premier projet réalisé de 2017 à 2019 (FINDEX ou FIND AN EXPERT) qui a permis la publication, sur le portail e-justice, de fiches d’information sur le rôle et les qualifications des experts judiciaires dans les différents États membres de l’Union européenne, sur les procédures d’expertise propres à chacun de ces États, avec un lien vers les listes d’experts existant au niveau national (voir le site https://e-justice.europa. eu/37146/FR/find_an_expert, et l’article publié en décembre 2020 dans la Revue Experts sous le titre « Projet Find an Expert (JUST-AG-20166 n° GA 766374) – Finalisation du projet : publication des fiches d’informations »). Aujourd’hui, grâce à ce projet, ce sont déjà 19 fiches d’informations complètes qui figurent sur le portail européen de la justice sous la rubrique « trouver un professionnel du droit », avec des traductions dans toutes les langues officielles de l’Union.