Menu

Refus de communication dossier médical

Revue Experts numéro 56 | Paru le : 06.01.2010

L'arrêt rendu par la cour d'appel de Paris se rapporte au très délicat problème de la mission de l'expert médical désigné et du secret professionnel médical. Cette question mériterait plus qu'un rapide commentaire de jurisprudence. Suspectant qu'un assuré, décédé, avait commis des réticences ou des insuffisances dans la déclaration sur l'honneur signée avant la mise en place du contrat d'assurance vie, la compagnie d'assurance demande en référé la désignation d'un médecin expert. Le médecin expert demande à l'Assistance publique, communication du dossier médical et se heurte au refus de l'Assistance publique. Le juge des référés est ressaisi dans le cadre de l'article 138 du NCPC : « Si, dans le cours d'une instance, une partie entend faire état d'un acte authentique ou sous seing privé auquel elle n'a pas été partie ou d'une pièce détenue par un tiers, elle peut demander au juge saisi de l'affaire d'ordonner la délivrance d'une expédition ou la production de l'acte ou de la pièce ». L'article 140 précise : « La décision du juge est exécutoire à titre provisoire sur minute s'il y a lieu. » L'article 141 : « En cas de difficulté ou s'il est invoqué quelque empêchement légitime, le juge qui a ordonné la délivrance ou la production peut, sur la demande sans forme qui lui en serait faite, rétracter ou modifier sa décision. Le tiers peut interjeter appel de la nouvelle décision dans les 15 jours de son prononcé. » Ayant reçu une telle injonction, l'Assistance publique refusait de communiquer le dossier médical. Dans son arrêt du 8-1-2002, la cour d'appel considère qu'il n'y avait pas d'empêchement légitime pour l'Assistance publique de communiquer ce dossier, qu'il n'était même pas besoin d'obtenir l'agrément des ayants droit de l'assuré décédé. Elle considère que la résistance du directeur de l'Assistance publique constitue une voie de fait et le condamne en outre à une amende civile de 10 000 francs (1 524,49 euros). Il est vraisemblable que ce dossier sera soumis à l'examen de la Cour de cassation car le problème posé est considérable. Après que l'article 9 du Code civil dispose : « Chacun a droit au respect de sa vie privée » L'article 10 indique : « Chacun est tenu d'apporter son concours à la justice en vue de la manifestation de la vérité. Celui qui, sans motif légitime, se soustrait à cette obligation lorsqu'il en a été légalement requis, peut être contraint d'y satisfaire, au besoin à peine d'astreinte ou d'amende civile, sans préjudice de dommages et intérêts. » La question est maintenant de savoir si l'Assistance publique pouvait évoquer un motif légitime. L'article 226-13 du Code pénal indique : «La révélation d'une information à caractère secret par une personne qui en est dépositaire soit par état ou par profession, soit en raison d'une fonction ou d'une mission temporaire, est punie d'un an d'emprisonnement et de 100 000 francs d'amende. » IL n'apparaît pas contestable que l'Assistance publique était dépositaire du dossier médical en raison de sa fonction et que le dossier médical contient le secret professionnel. La Cour de cassation, 1re chambre civile, 21-7-1987, gaz.pal. 1988, I, 322, reconnaît le principe que : « Le pouvoir du juge n'est limité que par l'existence d'un motif légitime tenant soit au respect de la vie privée...soit au secret professionnel.» La 2e chambre civile de la Cour de cassation confirmait cette jurisprudence dans un arrêt du 29-3-1989, (D. 1990. 45). En application de cette jurisprudence, la cour d'appel d'Orléans, 4-3-1992, JCP 1992, II, 341, retenait le principe que la procédure de production forcée ne peut être utilisé lorsque la correspondance dont il est demandé communication est détenue par un notaire, lequel est fondé à invoquer l'obligation au secret professionnel, qui s'impose à lui et à opposer l'existence d'un empêchement légitime. La Cour de cassation, chambre commerciale, 13-6-1995, bul. Civ. IV, n°172, retient que le secret professionnel auquel est tenu un établissement de crédit constitue un empêchement légitime opposable au juge civil. La cour d'appel de Versailles, dans un arrêt du 15-5-1991, Juris data n° 042298, retient que l'article 10 du Code civil est inapplicable aux renseignements que détiennent les ordres professionnels, des renseignements ne pouvant être communiqués. Aux termes de l'examen de la jurisprudence, notamment de la Cour de cassation, il apparaît bien que l'Assistance publique était fondée à opposer un motif légitime, le secret professionnel. À notre sens, il importe peu qu'elle n'ait pas été partie à la procédure opposant la Compagnie d'assurance aux ayants droit de l'assuré.

Identifiez-vous

Articles connexes sur le même thème