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Traduction

Revue Experts numéro 44 | Paru le : 10.01.2010

" Le 10 Juillet 1995, le Procureur de la République à POITIERS a, à la demande du Trésorier Payeur Général de la Vienne, déclaré former un recours contre une ordonnance rendue le 12 Juin précédent par le Président du Tribunal de Grande Instance et taxant à la somme de 875,00 Francs la rémunération due à l’association I. M. ayant son siège à PARIS, requise par un officier de police judiciaire du commissariat de police de CHATELLERAULT pour fournir un interprète de langue comorienne habile à traduire par voie téléphonée à une personne ne parlant que cette langue et à des enquêteurs ne la comprenant pas, les propos échangés concernant les raisons d’un placement en garde à vue, les droits susceptibles d’être exercés durant cette mesure, et l’objet même de cette mesure, soit l’évaluation d’indices laissant présumer de fausses déclarations et une usurpation d’état civil pour se voir reconnaître divers droits. Au soutien de ce recours, il est rappelé que la rémunération des interprètes traducteurs devant les instances judiciaires est calculée sur la base d’un tarif horaire prévu par l’article R.122 du Code de Procédure Pénale, et que le recours au service téléphoné d’un interprète n’entre pas dans les prévisions de la réglementation en vigueur. Monsieur le Procureur Général expose qu’il résulte de la procédure, qu’après avoir vainement recherché dans la région de POITIERS, un interprète de langue comorienne, les policiers, vu l’urgence, soit la nécessité de valider un placement en garde à vue et d’éclaircir une situation apparemment frauduleuse, ont eu recours à un service d’interprétariat par téléphone pour une mission de traduction verbale d’une durée de 90 minutes, soit de 7 unités au prix de 125,00 Francs chacune ; que grâce à ce concours, les enquêteurs ont pu accomplir dans les meilleurs délais, en respectant les prescriptions légales de la mission qui leur avait été impartie, et dont l’exécution ne pouvait être différée ; qu’en l’espèce la nécessaire utilisation d’une technique moderne d’interprétariat n’échappe pas aux prévisions du législateur puisque l’article R.92-9° du Code de Procédure Pénale rattache aux frais de justice criminelle, correctionnelle et de police les dépenses de travaux techniques exposés pour une enquête pénale ; Monsieur le Procureur Général requiert qu’il soit déclaré que le mémoire litigieux entre dans la catégorie des dépenses de l’article R.92-9° et conclut au rejet du recours ; MOTIFS, Attendu que la prestation fournie par l’association I.M. ne peut être considérée comme l’opération de traduction telle qu’elle est définie par l’article R.122 du Code de Procédure Pénale, puisque l’interprète traducteur n’a pas comparu physiquement devant les O.P.J. ; qu’il en résulte que le tarif prévu par ce texte n’était pas applicable ; Attendu que cette prestation a constitué un travail technique effectué pour les besoins d’une enquête préliminaire, et que sa rémunération ne peut être considérée comme une dépense de fonctionnement ; Attendu dès lors qu’elle devait être rémunérée en application des dispositions de l’article R.92-9° qui ne prévoit aucun tarif ; Attendu que la somme demandée ne peut être considérée comme exagérée ; que c’est donc à bon droit qu’a été rendue l’ordonnance entreprise. " Note : Très intéressante décision sur les règles relatives à la taxe en matière de traductions. L’article R.122 du Code de Procédure Pénale prévoit que " lorsque les interprètes traducteurs sont appelés devant le Procureur de la République, les officiers de police judiciaire ou leurs auxiliaires, devant les juges d’instruction ou devant les juridictions répressives pour faire des traductions orales, il leur est alloué " des sommes dont il détermine le montant. Compte tenu d’une part que la langue dans laquelle il était demandé à un interprète d’intervenir est d’usage assez rare en France et d’autre part de ce qu’il était nécessaire de trouver rapidement un interprète, les O.P.J ont dû avoir recours au service d’une association située en dehors de leur circonscription, laquelle avait assuré les services d’un interprète par téléphone. Une telle mission rentrait-elle dans le cadre de l’article R.122 du Code de Procédure Pénale ? Non, répond la chambre d’accusation. Opportune en l’espèce, pour permettre une juste rémunération à un spécialiste d’un discipline rare, la solution retenue nous paraît erronée en droit. Même s’il ne s’est pas présenté physiquement devant les O.P.J. pour accomplir sa mission, l’interprète a bien été " appelé ". Et il est tout de même paradoxal d’admettre en droit que l’interprète qui ne se dérange pas, mais intervient seulement par téléphone, a droit à une rémunération plus élevée que celui qui se déplace.

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